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Laboratoires, attention à vos conditions générales de vente

10 novembre 2017

Face à la pression des groupements de pharmacies, les laboratoires doivent renforcer leurs outils de négociation pour 2018.

  • L’Enjeu
  • L’apparition dans la chaîne de distribution de nouveaux acteurs aux techniques d’achat agressives perturbe la politique commerciale des laboratoires pharmaceutiques.
  • La Mise en œuvre
  • Repenser sa politique commerciale et muscler ses CGV catégorielles.
  • Anticiper les délais légaux.
  • Utiliser le droit de la concurrence comme levier de négociation.

De nouveaux acteurs apparaissent dans la chaîne de distribution « de ville ». Ils apportent des techniques d’achat et de négociation agressives empruntées à la grande distribution (groupements d’achat et/ou de référencement, centrales d’achat pharmaceutiques, structures de regroupement d’achat, alliances de groupements d’achat). Ces acteurs brouillent les circuits de distribution traditionnels des laboratoires pharmaceutiques, qui doivent désormais identifier précisément leurs différents interlocuteurs pour, le cas échéant, les catégoriser et leur proposer des conditions commerciales différentes.

Les critères des CGV catégorielles
Pourquoi et comment établir des conditions générales de vente (CGV) « catégorielles » ? Par un arrêt du 29 mars 2017 (l’arrêt Cooper), la Cour de cassation a défini les règles de validité de ces CGV. En l’espèce, la société Cooper avait établi deux catégories de conditions générales de vente applicables à ses clients, pharmacies d’une part, grossistes d’autre part. Des structures de regroupement d’achat de pharmacies ont reproché à Cooper de leur avoir appliqué ses CGV « grossistes » et non « pharmacies », plus avantageuses. Selon la Cour de cassation, un laboratoire « ne peut refuser à un acheteur la communication des CGV applicables à une catégorie de clientèle que s’il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n’appartient pas à la catégorie concernée ». Le laboratoire ne peut donc pas se contenter de justifier son choix d’appliquer des conditions générales de vente « grossistes » par le seul fait que le groupement n’est pas une officine.

Se pose alors la question de savoir sur quels critères objectifs établir des conditions générales de vente catégorielles. Les laboratoires peuvent s’appuyer sur les « statuts » des distributeurs pharmaceutiques prévus par le code de la santé (dépositaire, courtier, grossiste répartiteur, centrale d’achat pharmaceutique, structure de regroupement d’achat). Néanmoins, cette seule référence ne saurait suffire dans la mesure où des opérateurs actifs dans les négociations peuvent ne pas être réglementés. Tel est le cas des groupements de pharmacies, qui ne répondent à aucune définition réglementaire. Par ailleurs, des distributeurs même réglementés par le code de la santé publique peuvent intervenir suivant différentes modalités (acheteur revendeur, « pur » référenceur, mandataire à l’achat, commissionnaire à l’achat, logisticien), obéissant à des régimes juridiques distincts ou communs. Tous ces éléments doivent être pris en considération dans l’élaboration de catégories objectives et cohérentes.

Les enjeux et risques sont désormais réels. L’arrêt Cooper montre bien les nouveaux comportements de négociation, plus agressifs, des clients des laboratoires pharmaceutiques, qui vont même jusqu’à utiliser la voie du contentieux lorsqu’ils s’estiment lésés. Cette stratégie joue sur la crainte des laboratoires quant aux risques juridiques et financiers importants. En effet, une « mauvaise » catégorisation peut exposer son auteur, notamment, à une amende civile maximale de 5 millions d’euros si elle est considérée comme un refus de communication des conditions générales de vente (articles L. 442-6 I, 9° et L. 442-6 III du code de commerce). Voire à une amende pouvant s’élever jusqu’à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes consolidé, s’il est en position dominante et si le caractère abusif des conditions commerciales est démontré (articles L. 420-2 et L. 464-2 I du code de commerce).

Une réflexion à mener rapidement
Face à ces risques, les laboratoires pharmaceutiques doivent se réapproprier la maîtrise de l’entrée en négociation pour optimiser la distribution de leurs produits. Pour cela, ils doivent repenser leur politique commerciale en prenant en considération les nouveaux comportements de leurs clients. Ils doivent ensuite « muscler » leurs conditions générales de vente en conséquence. Cette réflexion doit être menée sans délai, sous peine de ne pas respecter la date butoir légale de conclusion des accords au 1er mars 2018 et de s’exposer à une amende de 375 000 euros (article L. 441-7 du code de commerce). Ce renforcement associé à la connaissance de la réglementation des négociations commerciales permet de mieux réagir face à des demandes « indues » et d’exiger des contreparties tangibles et proportionnées aux rémunérations négociées. En somme, les laboratoires doivent désormais utiliser le droit de la concurrence comme levier de négociation.

Gaël Hichri – L’Usine nouvelle n° 3537 du 9 novembre 2017
Article en téléchargement ici.

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