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Avis défavorable de l’ARAFER sur les péages ferroviaires proposes par SNCF réseau pour 2018

13 février 2017

L’ARAFER a publié, le 8 février 2017, un avis défavorable sur le nouveau barème des redevances d’infrastructure proposé par SNCF Réseau pour l’Horaire de service (« Hds ») 2018, considérant, en substance, que le système tarifaire envisagé n’est pas conforme à la réglementation applicable, en particulier européenne (I). Elle a parallèlement rendu public son avis motivé sur les DRR 2017 et 2018, dans lequel elle critique de nombreuses règles opérationnelles introduites par SNCF Réseau et précise ouvrir une procédure en manquement (II).

I. L’ARAFER s’oppose aux redevances pour l’Hds 2018

Pour mémoire, l’ARAFER doit émettre un avis conforme sur la fixation, par SNCF Réseau, des redevances d’infrastructure (i.e. les péages payés par les entreprises ferroviaires (« EF ») en contrepartie de la fourniture par SNCF Réseau des sillons).

Les péages fixés pour l’Hds 2018 revêtent un enjeu majeur puisque SNCF Réseau s’est engagé à revoir le système tarifaire appliqué jusqu’alors, système que le régulateur avait constamment critiqué depuis 2011.

L’objectif de cette refonte est double : (i) mettre en conformité le barème des péages avec la directive 2012/34/UE qui impose notamment un niveau de tarification « égal au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire » (sauf pour les activités pouvant économiquement supporter des majorations) et (ii) garantir aux EF la transparence et la prévisibilité indispensables à une utilisation efficace du réseau.

Cette refonte devait notamment passer par une révision et une mise en qualité du modèle de coûts de SNCF Réseau et une modification des modalités d’allocation des coûts entre activités.

Dans son avis n°2017-006 du 1er février 2017, l’ARAFER a rejeté la tarification proposée par SNCF Réseau pour l’Hds 2018 en considérant en substance que :
– les paramètres de modélisation des coûts utilisés par SNCF Réseau devront être ajustés, ces derniers conduisant à majorer de près de 70 millions d’euros les coûts directs imputables aux activités voyageurs ;
– l’unité de facturation de la redevance de circulation retenue (le train-km) (i) ne reflète pas fidèlement les coûts directs supportés par SNCF Réseau, (ii) induit un risque de discrimination entre EF, qui sont amenées à payer le même tarif quel que soit le poids de leurs trains et (iii) n’incite pas ces dernières à adopter des comportements vertueux pour minimiser le poids de leur équipement ;
L’ARAFER préconise ainsi une tarification fondée en tout ou partie sur la tonne-km, comme c’est le cas dans la plupart des Etats européens.
– les EF de fret devraient supporter intégralement les coûts directs liés à leur activité
, le mécanisme actuel de « compensation fret » (i.e. la subvention de l’Etat à SNCF Réseau pour compenser l’écart entre les péages versés et les coûts) devant être supprimé. Le régulateur appelle au besoin à la mise en place d’un autre mécanisme (aide directe aux EF ou évolution de la réglementation) pour supporter économiquement cette activité, dans le respect des règles relatives aux aides d’Etat ;
– les majorations tarifaires proposées par SNCF Réseau pour financer tout ou partie des coûts fixes du réseau (redevance de marché – qui a vocation à remplacer l’actuelle redevance de réservation et redevance d’accès) sont insuffisamment justifiées. Rappelons que de telles majorations ne sont envisageables que s’il est démontré qu’elles sont « soutenables » économiquement pour les activités sur lesquelles elles pèsent. Or, outre que cette démonstration est lacunaire, les principes de tarification suivis par SNCF Réseau ont principalement visé à assurer un maintien du niveau des redevances qu’il perçoit des activités concernées.

Tel est le cas en particulier :

– des services internationaux de voyageurs, et notamment de la hausse des péages envisagée pour Eurostar, dont l’Autorité a considéré que la soutenabilité n’était pas démontrée au regard de la forte instabilité du marché (baisse de la fréquentation et pression exercée par la concurrence aérienne) ;
–  des services conventionnés de voyageurs (TET, TER et Transilien), pour lesquels les majorations sont uniquement motivées par l’objectif de maintenir inchangé le niveau des redevances acquittées pour les services de chaque autorité organisatrice, sans démonstration de leur capacité à les assumer.

L’ARAFER demande, en conséquence, à SNCF Réseau de modifier et de justifier, par des données  solides et étayées, son modèle tarifaire pour 2018 afin d’assurer sa conformité à la réglementation.

II. L’ARAFER critique les évolutions non-tarifaires des DRR 2017 et 2018 et ouvre une procédure en manquement

Parallèlement à son avis conforme sur la tarification, l’ARAFER a publié son avis motivé n°2017-005 sur les aspects non tarifaires des documents de référence du réseau (« DRR ») relatifs aux Hds 2017 et 2018 dans lequel elle critique certaines conditions techniques et contractuelles d’accès au réseau, dont :
– les nouveaux critères établis visant à « réguler » les commandes de sillons en phase d’adaptation (déclaration d’ « irrecevabilité » pour les renouvellements à l’identique de demandes de sillons déjà rejetées par SNCF Réseau, caractère « non prioritaire » des demandes de modification de sillons), lesquels méconnaissent la réalité des contraintes des EF, notamment de fret, dont les besoins en sillons ne sont pas à ce stade stabilisés ;
– les « frais de dossier » visant à limiter le nombre de commandes de sillons en phase d’adaptation. L’Autorité considère en effet que ce dispositif (i) remet en cause le système d’incitations réciproques (édicté par l’Autorité et homologué par l’Etat respectivement les 19 juillet et 21 septembre 2016 pour l’Hds 2017) et (ii) constitue une réponse inadaptée et disproportionnée aux pratiques qu’il vise à juguler ;

L’Autorité demande, dans ce contexte, que le dispositif des « frais de dossier » soit supprimé et indique qu’elle réalisera une étude des commandes multiples afin de proposer, dès l’Hds 2018, des mesures complétant le système d’incitations réciproques.
– les conditions toujours insatisfaisantes de traitement des réclamations des EF, l’Autorité souhaitant notamment que SNCF Réseau s’engage sur des délais fermes de traitement des demandes et de versement des compensations allouées ;
– le caractère insuffisamment transparent des offres d’accès aux installations de service, notamment les chantiers de transport combiné.

L’ARAFER a indiqué avoir ouvert une procédure en manquement à l’encontre de SNCF Réseau afin de procéder à l’instruction des différentes questions soulevées par l’examen des DRR 2017 modifié et 2018.

Pour mémoire, si le collège de l’Autorité conclut à un manquement du gestionnaire il pourra (i) le mettre en demeure de se conformer à ses obligations et (ii) en l’absence de mesure prise par SNCF Réseau, saisir la commission des sanctions, laquelle pourra prononcer une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 3% de son chiffre d’affaires. Rappelons qu’un manquement  à la réglementation ouvre également droit à indemnisation pour les opérateurs qui en sont victimes.

Contact :

Sylvain Justier : sylvain.justier@magenta-legal.com – + 33 1 42 25 10 52
Aliénor Bouvier-Lewi: alienor.bouvier@magenta-legal.com– +33 1 42 25 65 06