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Amende contre Microsoft: un avertissement lancé à Google

7 mars 2013

Propos recueillis par Raphaële Karayan

Pour l’avocat spécialisé en droit de la concurrence Vincent Jaunet, la Commission européenne veut faire de sa décision d’infliger une amende de 561 millions d’euros à Microsoft un exemple. Un avertissement pour Google, dans l’optique de ses futurs engagements vis-à-vis de Bruxelles.

La Commission européenne a infligé à Microsoft une amende de 561 millions d’euros pour non respect de ses engagements relatifs à la mise en place d’une solution permettant aux utilisateurs de PC sous Windows de choisir leur navigateur internet. Microsoft avait pris cet engagement afin de solder l’enquête pour abus de position dominante qui visait l’entreprise, en raison de la vente liée d’Internet Explorer et de Windows.

Vincent Jaunet, avocat associé au sein du cabinet Magenta, décrypte cette décision, pas particulièrement lourde de conséquences pour Microsoft, mais qui a valeur d’exemple, notamment dans l’optique de l’issue de l’enquête pour abus de position dominante visant Google.

Cette décision de la Commission européenne vous paraît-elle juste et justifiée?

C’est la première fois qu’une entreprise est sanctionnée pour une violation de décision d’engagement. Dans ce cas, c’est assez normal qu’il y ait une sanction relativement lourde de prononcée. Bien que, par rapport au montant maximum théorique encouru, on soit bien en-dessous. En effet il aurait pu monter jusqu’à plusieurs milliards d’euros. Mais la Commission n’a de toute façon jamais prononcé de sanction correspondant au maximum, qui s’élève à 10% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise. Là, Microsoft dispose à la fois de circonstances aggravantes et atténuantes. D’un côté, elle a foulé aux pieds ses engagements, alors qu’une décision d’engagement signifie absence de sanction, ce qui est très intéressant pour une entreprise ! De plus, on parle d’une entreprise qui s’est faite plusieurs fois condamner. Ce qui explique que la Commission veuille en faire un exemple. De l’autre, il semble que Microsoft ait pleinement coopéré avec la Commission.

Si c’est la première fois qu’une entreprise est sanctionnée pour défaut d’application de ses engagements, on peut dire que Microsoft a été vraiment mauvais, sur ce coup là?

S’il s’agit d’une erreur, comme le dit Microsoft, oui c’est une grosse erreur ! Il y a manifestement eu un dysfonctionnement en termes de contrôle. Mais c’est aussi un problème pour l’Europe. On peut en effet se poser la question de l’efficacité de la politique d’amendes, dans la mesure où il y a des réitérations. On peut aussi opposer à cette politique qu’elle sanctionne les actionnaires actuels et pas les actionnaires au moment des faits, et qu’elle ne sanctionne pas les managers car il n’existe pas de volet pénal au niveau de la Commission, contrairement aux Etats-Unis. Par ailleurs, cela pose la question de la surveillance des engagements. La Commission a quand même réagi avec un certain délai… Les produits vendus sans l’écran multi-choix l’ont été entre mai 2011 et juillet 2012, et cela représente près de 15 millions d’unités !

Qu’est-ce que cette décision signifie pour les décisions à venir, notamment celle qui concerne l’abus de position dominante de Google?

Sachant que la négociation avec Google est en cours et que l’on se dirige a priori justement vers une décision d’engagement, on peut penser que la décision visant Microsoft convoie ce message : respectez vos engagements, sinon on cognera fort. Beaucoup de gens attendent ce qui va se passer dans l’affaire Google. Le secteur technologique fait l’objet d’une attention particulière, au même titre que l’industrie pharmaceutique ou l’énergie.

L’expansion – 6 mars 2013

Contact :

Vincent Jaunet – + 33 1 42 25 10 52 – vincent.jaune@magenta-legal.com

Contact presse :

Thierry Heems – Eliott & Markus : t.heems@eliott-markus.com